Editorial







Livio Lorenzon et Chelo Alonso dans
La terreur du masque rouge

(collection Les films pour vous)
Si notre époque est friande d'images jusqu'à la saturation, une projection cinquante ans en arrière nous plonge dans la situation inverse.

En matière de cinéma, puisque tel est notre sujet, la bibliographie cinématographique des fifties est essentiellement littéraire. Pourtant certains tentaient de jouer la carte de l'iconographie, mais sans doute à cause de la lourdeur des moyens de reproductions, leurs efforts ne se reflétaient pas dans le résultat. Feuilletez le Fantastique au cinéma de Michel Laclos (1958), vous ne trouverez dans les 35 pages de présentation que trois petites reproductions héliographiques collées aux emplacements réservés et deux pavés de presse (gravures). Autre exemple, la petite brochure de 140 pages, de la collection 7ème Art, Images de la science fiction de Jacques Siclier et André S. Labarthe (1958 aussi) ne dispensait que 22 illustrations ... autant que dans les 10 premières pages du Ze Craignos Monsters de Jean-Pierre Putters (1991).

En dehors de cette bibliographie, ne restaient pour satisfaire notre goût que les frontons des cinémas et leurs photos d'expositions. Photos louées, que les exploitants renvoyaient aux distributeurs après les projections et qui accompagnaient le film tout au long de sa carrière, davantage maculées de piqûres de punaises à chaque programmation, aux angles coupés en fin d'exploitation. Aujourd'hui nous les guettons aux marchés aux puces et dans les boutiques spécialisées avec la nostalgie de ne les avoir pas possédées lorsqu'elles nous faisaient baver devant la vitrine de notre cinéma de quartier. Le Antoine Doinel de François Truffaut n'hésite pas, dans Les quatre cents coups, à aller en pleine nuit les arracher à travers les grilles baissées du cinéma.
Alors quoi, à défaut de photos, comment visualiser les films en dehors des cinémas ? Pas de vidéo. La télévision encore peu diffusée. L'édition en format réduit (9mm5, 16mm, 8mm et enfin Super8) ne satisfaisait que les collectionneurs fortunés. Rien pour l'amateur amateur ? C'est à ce besoin que répondait le ciné-roman dont les fascicules s'étalaient aux présentoirs des kiosques à journaux.


Le principe du ciné-roman consistait à raconter un film en l'illustrant par près de 360 photos légendées par les bulles classiques des bandes dessinées. Venue d'Italie, cette formule d'édition (les fumettis) a donné lieu à de nombreuses collections qui alimentaient périodiquement nos kiosques à journaux de la fin des années 40 jusqu'aux années 70. Cette formule ne pouvait survivre à l'édition vidéo. Il n'est que justice de retrouver aujourd'hui les films sous forme de cassettes vidéo ou de DVD dans ces mêmes kiosques.

Ce type d'édition avait l'avantage de visualiser un film en quelques pages et cela sans obliger le lecteur à ... lire. Le public visé était bien un public sous-éduqué. Sur le même principe et avec les mêmes buts, le roman-photo fleurissait. Là, il s'agissait de sujets entièrement réalisés au moyen de photographies posées pour la circonstance. Point de cinéma. Même si de nombreuses vedettes ont fait leurs premières armes dans le roman-photos. L'exemple de Sophia Loren est célèbre. A 99,99% les sujets sont du type-de-ce-qui-fait-pleurer-Margot. Au risque de paraître sectaire, je ne compte pas parler de roman- photo en dehors de ce paragraphe.

Les photographies composant les ciné-romans sont tirées de la pellicule par la technique du photogramme. Pour le puriste, elles reflètent bien mieux l'oeuvre originale que les photographies de plateau. Le photographe de plateau fait poser les acteurs dans les costumes et décors du film, dans des attitudes reproduisant approximativement la scène concernée; certaines fois la pose est sans rapport avec une quelconque séquence, la photo ne cherchant qu'à permettre la publicité autour de l'oeuvre.
La plupart des collections de ciné-romans utilisent la technique du photogramme, mais elles y mêlent quelques photos de plateau pour des pleines pages. D'autres collections sont quasi exclusivement bâties avec des photographies de plateau. L'amateur le décèle par la qualité du cliché certes, supérieure à celle des photogrammes, mais surtout par l'absence de spontanéité, de mouvement qui se dégage des pages composées ainsi.


Pour la quasi-totalité des collections de ciné-romans, les imprimeurs étaient italiens. Les éditions italiennes et françaises étaient diffusées simultanément dans le pays respectif. Dans les pages qui suivent je ne souhaite évoquer que ce qui m'a accompagné jusqu'à aujourd'hui, à savoir les éditions françaises de ciné-romans. Sans prétendre à l'exhaustivité, j'ai recensé 69 collections. Je n'ai d'autre prétention que de les évoquer en dressant leur catalogue.
L'époque cinématographique évoquée connaissait encore le cinéma de genre. On constatera dans mon parcours des ciné-romans que je glisse sur les genres qui me laissent de glace : les films de guerre d'abord, les films dits d'amour. Je ne m'attarderai que peu sur le western de série A. Inutile donc de dire que ma prédilection va vers le cinéma bis : fantastique, science fiction, cape et épée, péplum, six-guns-westerns...

Choisissez votre revue sur le Présentoir du kiosque. De nombreux titres sont encore en construction. Revenez quelquefois ! Consultez ici les abréviations utilisées pour ces catalogues et l'avancement des mises à jour. Sous la rubrique Invendus je glisse quelques mots sur quelques éditions de luxe à vocation cinéphilique, sur quelques éditions américaines et sur les ancêtres du ciné-roman.

Serge Ghera, septembre 2001

PS :
Ma modeste ambition initiale a trouvé un echo inattendu auprès de quelques chercheurs. A ma grande surprise, ce site a pu aider à des travaux sur deux réalisateurs (Vittorio Cottafavi et Renato Polselli) certaines de leurs premières oeuvres étant a priori perdues. Ainsi le ciné-roman peut aider à l'histoire du cinéma ! Qui l'eut cru ?

mai 2009



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